Quels mécanismes garantissent actuellement la souveraineté des données des Premières Nations, des Inuits et des Métis? Comment vos cadres, politiques ou protocoles de gouvernance de la recherche et des données des Premières Nations, des Inuits et des Métis sont-ils appliqués?

Associé à la Priorité 8

Contexte

Pendant longtemps, les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont mené une vie riche et active grâce à leur connaissance de la terre, des animaux, des plantes, des médicaments et des cycles de la vie dans la création. Ces connaissances s’appuyaient sur des générations de savoirs acquis par l’observation habile, l’apprentissage par l’expérience et la sagesse de transformer l’information en une compréhension innée de leur environnement. Ces connaissances et cette sagesse ont été transmises aux différentes générations selon des mécanismes qui ont résisté à l’usure du temps. Elles ont appuyé des processus décisionnels importants. Elles étaient soutenues par des structures de gouvernance sophistiquées, animées par des processus de recherche en situation réelle et concrètement appliquées grâce à un cadre de valeurs et d’enseignements reflétant les responsabilités éthiques des peuples autochtones qui étaient considérés comme les intendants de la terre.

À cet égard, les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont assuré depuis la nuit des temps la souveraineté de leurs données, de leurs connaissances et de leurs systèmes de connaissances.

La colonisation, la dépossession des terres, les déplacements forcés, l’imposition de la Loi sur les Indiens, le placement des enfants dans des pensionnats indiens ou des externats fédéraux, et une myriade d’autres politiques et mécanismes coloniaux ont érodé cette souveraineté sous toutes ses formes.

De plus, le recueil d’information sur les Premières Nations, les Inuits et les Métis a, par le passé, été exclusivement géré par les gouvernements et les colons. Comme l’a noté le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations de l’Alberta, « le contenu et les objectifs des données ont toujours été déterminés sans la participation des communautés des Premières Nations, et l’utilisation abusive des données a conduit à des situations d’appropriation illicite et à la rupture des liens de confiance. En outre, la plupart des écrits sur les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont été rédigés dans une optique coloniale, ce qui a donné lieu à des descriptions limitatives, stéréotypées et méprisantes » [traduction libre]1.

La souveraineté des données des Premières Nations, des Inuits et des Métis est la capacité de leurs membres, gouvernements, organisations et communautés à déterminer et à gérer les données recueillies avec leur collaboration et à leur sujet, ainsi que leur capacité à participer à de telles activités. La souveraineté des données reconnaît le droit de décider des informations à collecter, des personnes qui peuvent être incluses dans les données2, des droits de propriété et d’accès aux données, du public auquel les données sont présentées ainsi que de leur mode de communication. Elle garantit aussi que l’utilisation des données présente un avantage collectif. L’interprétation est également un moyen essentiel de recadrer les données en passant d’une approche basée sur les lacunes à une approche basée sur les points forts.

Plusieurs de ces concepts sont décrits dans la stratégie de gouvernance des données des Premières Nations et dans les principes de propriété, de contrôle, d’accès et de possession (PCAP®) élaborés par le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations (principes PCAP® élaborés par le Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations3 ainsi que dans les principes de gouvernance des données énoncés par l’Inuit Tapiriit Kanatami (ITK)4. L’ITK élabore également une stratégie nationale sur les données inuites et le Ralliement national des Métis procède actuellement à la mise en œuvre d’une stratégie d’élaboration et de gouvernance des données métisses.

La gouvernance des données implique des processus de prise de décision sur les données. Elle s’appuie sur les valeurs, les droits et les intérêts d’un peuple pour guider la prise de décisions sur la manière dont ses données sont collectées, consultées, stockées et utilisées5. Les Premières Nations, les Inuits et les Métis ont des droits en matière de données et d’information. Ils doivent donc régir et protéger l’information où qu’elle soit et veiller à ce qu’elle serve à répondre aux besoins des membres de la communauté.

Les cadres de gouvernance, les politiques et les protocoles contribuent à la mise en œuvre de ces processus et définissent qui a le pouvoir de décision, comment la responsabilité et la transparence sont assurées et comment les personnes concernées (c’est-à-dire les intervenants, les membres de la communauté ou les citoyens) ont voix au chapitre et peuvent participer à ces décisions.

La gouvernance est plus solide lorsqu’elle représente la voix légitime des détenteurs de droits, qu’elle est responsable et transparente, qu’elle reflète les contextes socio-historiques et politiques des communautés desservies, qu’elle est décolonisée et qu’elle s’inscrit dans un contexte culturel.

Pourquoi cet indicateur est-il important pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis?

Les accords de recherche, les protocoles d’accord et les accords d’échange de données sont les principaux moyens de clarifier et de confirmer les attentes mutuelles ainsi que les engagements entre les partenaires de recherche et les communautés. Ces éléments sont essentiels pour nouer des relations de confiance, riches et productives, et garantir le respect des besoins et des aspirations des communautés en matière de données et de recherche.

Les cadres, protocoles et politiques de gouvernance des données sont des mécanismes concrets qui décrivent la manière dont la souveraineté des données doit être assurée. Cependant, les gouvernements, communautés et organisations des Premières Nations, des Inuits et des Métis n’ont pas encore tous la capacité d’élaborer et de mettre en œuvre ces instruments.

Pour les Premières Nations, les Inuits et les Métis, la souveraineté et la gouvernance des données sont des moyens essentiels de faire entendre leur voix en matière de recherche et de collecte de données dans le cadre du système de soins contre le cancer et au-delà.

Quelle incidence cela a-t-il sur les soins et les résultats?

Lorsqu’ils sont fondés sur le respect mutuel, les accords qui suivent les principes de gouvernance des données et qui répondent aux exigences particulières des communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis permettent d’améliorer la collecte des données et la recherche.

Les données probantes recueillies dans le cadre d’un travail de recherche, de collecte et d’analyse de données respectueux de l’éthique peuvent servir à guider les services de santé, les programmes, les politiques et les améliorations du système, et ainsi améliorer les soins et les résultats.

Lorsque les détenteurs de droits disposent d’un organe de gouvernance solide, fiable et digne de confiance pour répondre aux besoins en matière de données et de statistiques, les décisions sont prises en plus grande connaissance de cause et, par conséquent, les soins et les résultats s’en trouvent améliorés.

Plus les gouvernements, les organisations et les communautés sont en mesure d’établir des cadres, des protocoles et des politiques de gouvernance des données, plus ils sont en mesure de diriger la collecte des données et données probantes nécessaires pour créer des solutions autodéterminées et influencer le changement dans le système de soins contre le cancer.

Vers l’équité en matière de santé

Les accords visant à soutenir la recherche, ainsi que l’échange, la collecte et le couplage des données dans un souci d’équité peuvent contribuer à mettre en évidence les inégalités d’accès à la prévention et aux soins, de qualité des soins et de résultats pour les patients, et à les corriger.

La souveraineté et la gouvernance des données sont un mécanisme clé qui permet aux membres et aux communautés des Premières Nations, des Inuits et des Métis d’affirmer le principe « rien sur nous sans nous ». C’est un moyen essentiel d’appliquer les principes de PCAP® en tant que « détenteurs de droits » dans les processus de prise de décision sur les données.

Ce que cela signifierait pour les personnes vivant au Canada

La mise en place d’une gouvernance efficace des données par les « détenteurs de droits » des Premières Nations, des Inuits et des Métis est l’un des mécanismes permettant de répondre aux appels à l’action 19, 20 et 21 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada6,7. Elle soutient également les engagements en faveur de la réconciliation et adhère aux principes fondamentaux de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones8.

À plus long terme, cela permettrait à toutes les personnes vivant au Canada de bénéficier de services de prévention et de soins du cancer de qualité et d’un accès équitable à ces soins.

  1. Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations de l’Alberta. Data Resources and Challenges for First Nations Communities: Document Review and Position Paper, 2016 (en anglais seulement).
  2. Principes tirés de : Kukutai, T. et Taylor, J. (eds.), Indigenous Data Sovereignty: Toward an agenda, ANU Press, 2016, p. 6.
  3. Les principes de PCAP® des Premières Nations – Centre de gouvernance de l’information des Premières Nations (fnigc.ca)
  4. https://www.itk.ca/wp-content/uploads/2018/04/ITK_NISR-Report_English_low_res.pdf (en anglais seulement)
  5. Walter, Maggie et coll. Indigenous Data Sovereignty Briefing Paper 1, Miaim nayri Wingara Data Sovereignty Group et Australian Indigenous Governance Institute, 2018. Nous saluons la contribution originale de John Taylor.
  6. CNVR Appels à l’action 19, 20, 21 Appels_a_l-Action_French.pdf (nctr.ca)
  7. CNVR Appes à l’action 55 iv: « les progrès réalisés pour combler les écarts entre les collectivités autochtones et les collectivités non autochtones en ce qui a trait à divers indicateurs de la santé, dont la mortalité infantile, la santé maternelle, le suicide, la santé mentale, la toxicomanie, l’espérance de vie, les taux de natalité, les problèmes de santé infantile, les maladies chroniques, la fréquence des cas de maladie et de blessure, ainsi que la disponibilité de services de santé appropriés ». Appels_a_l-Action_French.pdf (nctr.ca)
  8. Articles 23 et 29-3 de la DNUDPA – DNUDPA_F_web.pdf